Sludge, steel and silver
À la croisée des genres, le travail de Lucas Leffler convoque le documentaire, l’expérimental et flirte avec la fiction. L’artiste prend volontiers la position de l’enquêteur, tant pour mener des recherches sur les aspects techniques de la photographie, témoignant d’un goût inextinguible pour l’expérimentation, que pour remonter le fil de l’histoire, déterrant d’étonnantes mythologies oubliées. L’histoire des lieux qu’il investigue prend part à l’œuvre au même titre que les expérimentations du médium, dont il repousse les limites au-delà de ses deux dimensions.
L’artiste oriente ses explorations vers les qualités minérales et chimiques de l’argent, à travers son projet Zilverbeek, où il part sur les traces du précieux métal rejeté par une entreprise de produits photographiques, mais aussi lors de ses récents re-enactments des célestographies d’August Strindberg ou des expérimentations au nitrate d’argent de Lilly Kolisko. Il examine les problématiques de l’alchimie et de l’anthroposophie, questionne les processus et matériaux hérités de longue date, et avec eux la place de l’humain et de ses rituels au sein de sa propre histoire, découvrant la qualité des liens ainsi créés.
Lucas Leffler développe une pratique performative du re-enactment qui interroge l’histoire et son écriture. Il ne s’agit ni de refaire l’histoire ni de la répéter, mais plutôt de rejouer pour le présent des événements ou des expérimentations qui ont été minorées, parfois ignorées par l’histoire. Il participe ainsi du principe contemporain de réévaluation historique, dans le sens d’un questionnement des valeurs qui la soustendent.
Yuna Mathieu-Chovet
Toutes les images de la série Sludge, Steel and Silver sont issues de la résidence de Lucas Leffler à Bruxelles - Contretype, 2020.
Website: www.lucasleffler.com
© Lucas LEFFLER, Steel-Plates II (détail), 2020, 200 x 250 cm / © Lucas LEFFLER, Mudprint 12, 2020, 70 x 100 cm / © Lucas LEFFLER, Gevabox, 2020, 24 x 30 cm